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LA VÉRITÉ SUR LA DÉPORTATION DES ACADIENS
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Thomas O'Hagan, M.A., Ph. D.
(Traduction - publié en anglais dans L'Évangéline, le 25 novembre et les 2 et 9 décembre 1897)
Transcription : Fidèle Thériault
La plus triste épopée de l'histoire du Nouveau monde est celle de l'expulsion et de la déportation des Acadiens chassés de leurs foyers sur les rives de la baie de Fundy, qui inspira la triste et belle complainte d'Évangéline au poète Henry Wadsworth Longfellow. En vérité, cette triste aventure a fait d'une étendue d'eau canadienne une autre mer Égée autour de laquelle s'agglutinent des souvenirs qui consacrent les pages de l'histoire et qui dureront aussi longtemps que l'amour, l'affection et les liens sacrés de la parenté resteront pour les enchâsser dans la mémoire collective.
L'historien a été largement infidèle à cette tragédie du Nouveau monde, contrairement au poète. Hannay, Parkman et Akins, le compilateur des archives de la Nouvelle-Écosse, portèrent un dur coup à la vérité historique dans leur présentation des faits et des circonstances qui ont mené à cet acte aussi éhonté que pitoyable, alors que Longfellow nous présenta l'histoire sous l'éclairage idéalisé de la poésie, mais reflétée du grand astre de la vérité. Il ne restait plus qu'à un descendant des Acadiens, Édouard Richard, d'Arthabaska, dans la province de Québec, un ancien député à la Chambre des communes, à décrire au monde, dans son ouvrage admirable intitulé Acadia: Missing Links Of a Lost Chapter in American History, la véritable histoire de l'expulsion et de la déportation de ses ancêtres. Haliburton, dont la tournure d'esprit était éminemment judiciaire et bien adaptée à la pondération des faits historiques, n'avait pas les données sur lesquelles fonder des preuves probantes, bien que son intégrité intellectuelle l'ait fréquemment mené à des conclusions justes, même si des maillons manquaient dans la chaîne des circonstances et des faits.
C'est à l'historien qu'il appartient de présenter la vérité, fondée sur les recherches les plus approfondies et les plus impartiales qui soient. Il ne devrait favoriser aucun parti politique ou religieux, ni aucun personnage, qu'il soit roi, gouverneur ou le plus humble subalterne. C'est un juge qui pèse la preuve qu'on lui soumet afin de présenter au jury de l'humanité des faits plutôt qu'une fiction endimanchée dans les ornements spécieux de phrases ronflantes et d'une rhétorique tropicale.
Les faits historiques relatifs à la déportation des Acadiens en 1755 remontent au traité d'Utrecht de 1713, qui fit de ces gens jusqu'alors sujets du roi de France Louis XIV des sujets de la reine Anne d'Angleterre. Le caractère et la conduite des Acadiens durant les 42 ans qui séparent ces deux événements doivent contribuer dans une certaine mesure à justifier ou à condamner l'acte indésiré qu'ils ont subi. Il n'est pas séant de parler ici des intrigues de l'abbé LeLoutre, ni de l'excès de zèle qu'il a mis à persuader ses compatriotes de quitter les terres anglaises pour le territoire de la Nouvelle-France.
Il faut plutôt se concentrer sur les faits, à savoir si les Acadiens ont été fidèles à leur serment d'allégeance sous condition, si les Anglais ont respecté ou pas l'article 14 du traité d'Utrecht et si la déportation a ou n'a pas été planifiée et mise à exécution afin d'enrichir le gouverneur Lawrence et ses proches, en leur permettant de s'emparer des biens que les Acadiens furent contraints à laisser derrière eux.
Dans son excellent ouvrage, M. Richard reconnaît la dette qu'il doit à l'histoire manuscrite de la Nouvelle-Écosse rédigée par le Révérend Andrew Brown, d'Halifax, entre 1787 et 1795. M. Brown, qui était un pasteur presbytérien, devait être invité quelques années plus tard à occuper la chaire de rhétorique à l'Université d'Édimbourg, où il mourut. Son Histoire manuscrite incomplète a été trouvée avec tous les documents - originaux et autres - connexes dans une boutique d'épicier et achetée le 13 novembre 1852 par M. Grossart, qui a vendu le tout au British Museum de Londres. L'importance du manuscrit du Révérend Brown saute aux yeux. Il avait de toute évidence parlé avec de nombreux témoins oculaires de la déportation et connaissait fort bien les circonstances qui y menèrent. Presbytérien et Écossais qu'il était, on ne peut sûrement pas l'accuser même de l'ombre d'un parti pris pour les Acadiens, et c'est pourquoi son témoignage devrait peser lourd dans l'analyse de la question qui nous intéresse. Cela dit, on sait que Parkman a eu accès à ce manuscrit et aux documents qui l'accompagnaient, et pourtant, il n'en a tenu nul compte. Manifestement, ce n'est pas la vérité qu'il cherchait, mais plutôt une justification de la déportation de ces Acadiens paisibles et pieux. Il voulait détruire les effets de " l'humanitarisme versant dans la sentimentalité de la Nouvelle-Angleterre " en se faisant l'apologiste de Lawrence et de son concitoyen, Winslow.
Prenons quelques instants pour analyser l'effet du traité d'Utrecht sur les Acadiens et pour nous demander dans quelle mesure les Anglais se sont acquittés de ses dispositions déterminantes pour la vie et pour le sort des habitants de Grand-Pré et des autres établissements acadiens.
L'article 14 du traité d'Utrecht, qui posait la situation des Acadiens, se lit comme il suit : " Il est expressément prescrit que, dans toutes les localités et colonies susdites qui seront cédées et reprises par le Roy Très Chrétien, en application du présent traité, les sujets dudit Roy pourront être autorisés à se retirer en dedans un an à tout autre endroit qu'ils jugeront bon, avec tous leurs biens meubles. Ceux qui seront disposés à rester sur place et à devenir des sujets du royaume de Grande-Bretagne jouiront du libre exercice de leur religion selon l'usage de l'Église de Rome, en autant que les lois de la Grande-Bretagne le permettent ".
Dans une lettre datée du 23 juin 1713, la reine d'Angleterre déclara au gouvernement Nicholson qu'elle libéralisait les conditions du traité, en accordant aux Acadiens qui souhaiteraient rester chez eux en qualité de sujets de la Grande-Bretagne le privilège de conserver la propriété et la jouissance de leurs terres et bâtiments sans être aucunement molestés, ou de les vendre s'ils préféraient partir ailleurs. Le traité leur donnait un an pour quitter le pays, mais cette lettre ne précisait rien quant au moment de leur départ. Nous allons maintenant voir jusqu'où les autorités britanniques de la Nouvelle-Écosse se sont conformées à cet article du traité.
En août 1713, les Acadiens ont envoyé des délégués à Louisbourg pour conclure une entente avec le gouverneur français de la place sur les conditions qui leur seraient faites s'ils étaient transportés dans le territoire français. De là jusqu'à 1730, la politique et l'objectif de chacun des gouverneurs britanniques qui se sont succédé en Nouvelle-Écosse ont consisté à empêcher les Acadiens de quitter le pays. Vetch, puis Nicholson, Cauldfield, Doucette, Phillips, Armstrong et enfin Cornwallis se sont servis non seulement de leur prérogative, mais aussi de tous les artifices et de toute la ruse possibles pour faire obstacle à ce qui était convenu dans le traité, la possibilité pour les Acadiens de quitter le pays. Ce fait ne saurait être nié, puisqu'il est corroboré par les documents officiels de l'époque.
À ce stade de notre démarche, rappelons-nous que les Acadiens ont tenté à plusieurs reprises de quitter le pays, entre 1713 et 1730, mais que leurs efforts ont été frustrés par les actions des gouverneurs anglais. D'abord, les Acadiens pensaient qu'ils pourraient partir en s'embarquant sur des navires anglais, mais on leur a refusé cette possibilité. Ils ont alors demandé qu'on autorise l'entrée de navires français dans les ports d'Acadie; les autorités s'y sont opposées. Ensuite, ils ont construit de petits bateaux pour lesquels ils ont tenté de se procurer l'équipement nécessaire à Louisbourg et à Boston, mais on le leur a interdit. Comme on les empêchait de partir par mer, il ne leur restait plus qu'une avenue pour s'en aller, par voie de terre. Ils ont commencé à ouvrir une route, mais ils ont dû mettre fin à leurs efforts sur l'ordre du gouverneur Phillips.
Même Parkman, dont le chapitre sur l'expulsion des Acadiens dans A Half Century of Conflict se lit comme un mémoire à la défense de la politique britannique au Nouveau-Monde, admet que le gouverneur Nicholson et ses successeurs ont fait tout en leur pouvoir pour empêcher les Acadiens de partir. Voici ce qu'il a écrit à ce sujet :
À l'instar de son prédécesseur, le gouverneur Nicholson était résolu à garder les Acadiens dans la Province s'il le pouvait. Ce personnage capable, énergique, obstiné, changeant et sans scrupules se comportait même envers les officiers et soldats anglais d'une façon qui semble incompréhensible et qui les outrageait profondément. À l'endroit des Acadiens, sa conduite était pire encore.... Les Acadiens avaient construit de petits bateaux, et les autorités françaises de Louisbourg leur avaient envoyé le gréement nécessaire. Nicholson a ordonné qu'on le renvoie; il a interdit la vente des terres et des maisons des Acadiens et ne leur a même pas laissé vendre leurs effets personnels, réduisant ainsi froidement à néant aussi bien le traité d'Utrecht que la lettre de la Reine. Cauldfield et Doucette, ses adjoints, ont tous deux suivi son exemple, à un degré ou un autre, en faisant tout ce qu'ils pouvaient pour prévenir l'immigration des Acadiens.
Les Acadiens, ainsi frustrés par les Britanniques dans toutes leurs tentatives pour quitter le pays, ont demandé, en tant que sujets britanniques, d'être exemptés de l'obligation de prendre les armes contre les Français ou contre les Indiens, leurs alliés. Il n'y avait assurément rien de déraisonnable dans cette requête, puisque les Anglais n'avaient pas respecté les termes du traité qui donnaient aux Acadiens le droit de quitter le pays et que les Français qui vivaient sur la rive nord de la baie de Fundy, à la rivière Saint-Jean, à Chipodie, à Petitcodiac et à Memramcook, n'étaient pas seulement leurs compatriotes, mais bien leurs frères et leurs parents. En outre, cette requête devait aussi être formulée plus tard par ceux qui sont venus de Nouvelle-Angleterre s'établir sur les terres des Acadiens, parce qu'ils ne voulaient pas faire la guerre avec les membres de leurs familles qui se battaient pour l'indépendance américaine. Les Acadiens, eux, avaient dû rester dans la région contre leur gré et contrairement aux termes du traité d'Utrecht : n'était-il pas tout à fait naturel qu'ils aient voulu poser une condition pour continuer d'être des sujets britanniques ?
Quant à la nature du serment que les Acadiens ont prêté, je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute qu'il ait toujours été sous condition. À l'appui de ce que j'avance, je me permettrai d'abord de citer le gouverneur Lawrence, celui-là même qui a déporté les Acadiens. Dans la circulaire qu'il a envoyée au gouverneur de la Nouvelle-Angleterre à bord des vaisseaux de transport chargés d'Acadiens exilés, on peut lire que : " Les Acadiens ont toujours refusé de prêter serment d'allégeance sans recevoir en même temps une assurance écrite du gouverneur qu'ils ne seraient pas appelés à prendre les armes pour la défense de la Province, et le général Phillips s'est conformé à ce désir, au grand déplaisir de Sa Majesté. "
Dans une lettre à Sir Thomas Robinson datée du 30 novembre 1755, Lawrence écrit encore, au sujet des Acadiens de Beaubassin :
C'étaient les descendants des Français qui ont prêté serment d'allégeance à Sa Majesté à l'époque où le général Phillips était gouverneur, à condition de ne pas être contraints à prendre les armes.
Pour sa part, dans une lettre datée du 11 septembre 1749 et adressée au duc de Bedford, le gouverneur Cornwallis a écrit :
Je ne peux pas m'empêcher de dire que le général Phillips méritait le châtiment le plus sévère pour ce qu'il a fait ici, soit d'accepter qu'on pose une condition au serment d'allégeance.
Le même gouverneur Cornwallis a d'ailleurs déclaré aux députés acadiens :
Vous avez toujours refusé de prêter serment sans poser une condition expresse.
Le serment que les Canadiens ont prêté, le " Serment de fidélité ", était le suivant :
Je promets et jure sincèrement en Foi de Chrétien que je serai entièrement fidèle et obéirai vraiment à Sa Majesté le Roy George second que je reconnois pour le souverain seigneur de l'Acadie ou Nouvelle-Écosse. Ainsi, Dieu me soit en aide. "
Passons maintenant à la conduite des Acadiens en leur qualité de sujets britanniques, pendant les quelque 43 ans qu'ils ont passés dans ce pays après la signature du traité d'Utrecht. C'est une partie du dossier qui exige l'examen le plus complet et le plus minutieux, car c'est sur la loyauté - ou la déloyauté - des Acadiens envers la Grande-Bretagne que doit largement reposer la justification ou la condamnation de leur expulsion et de leur déportation. Il est préférable de laisser le témoignage des Anglais trancher la question. La simple déclaration d'un historien basée sur rien de plus que du ouï-dire ne saurait être acceptée : la preuve de la loyauté et de la déloyauté des Canadiens doit être déduite des documents officiels et des dires - ou des écrits - de ceux qui n'avaient aucune thèse historique à défendre.
Le 15 mars 1744, la guerre fut déclarée entre l'Angleterre et la France; les Français se préparèrent à envahir Grand-Pré et les autres établissements canadiens sous le régime britannique. Les Acadiens allaient-ils rester fidèles à leur serment d'allégeance en cette période difficile ? Il est certain que, pendant cette guerre connue dans l'histoire sous le nom de guerre du roi George, l'Acadie a été envahie au moins quatre fois par des Français. Pourtant, les Acadiens sont restés loyaux à la Grande-Bretagne; ils sont restés inébranlables et n'ont ni été séduits par les promesses, ni convaincus par la menace de dévier de leur allégeance à la Couronne britannique.
Après avoir épuisé tous les moyens de persuasion, Duvivier et de Gannes, les généraux français qui commandaient la première expédition, donnèrent les ordres très durs suivants :
Nous vous ordonnons de nous remettre vos armes et vos munitions [...] Ceux qui contreviendront à ces ordres seront punis et livrés aux Indiens, puisque nous ne pouvons pas rejeter les demandes de ces sauvages, qui veulent qu'on leur remette tous ceux qui ne se soumettront pas.
Les Acadiens ont refusé d'obéir à cet ordre, en déclarant notamment dans leur réponse :
" Nous vivons sous un gouvernement clément et pacifique, et nous avons toutes les raisons de lui être fidèles. "
Hannay, qui n'était certes pas un ami des Acadiens, a écrit ce qui suit sur l'expédition de Duvivier :
Duvivier, malheureux à Annapolis, est retourné au Bassin des Mines, où il comptait passer l'hiver avec ses soldats, mais les Acadiens lui ont envoyé une remontrance si énergique qu'il s'est senti contraint à se replier. À Beaubassin, il a trouvé les habitants tout aussi hostiles à sa présence et a fini par rentrer à Louisbourg.
Dans une lettre au secrétaire à la Guerre, le successeur du gouverneur Armstrong, Mascarene, écrivait en date du 2 juillet 1744 : " Les Acadiens de cette rivière sont jusqu'à présent restés loyaux et ne sont absolument pas joints à l'ennemi, qui a tué la plus grande partie de leur bétail; le prêtre qui vit parmi eux s'est lui aussi conduit en honnête homme, quoiqu'aucun d'entre eux n'ose venir à nous pour le moment. Ils nous ont aidés à réparer nos ouvrages jusqu'à la veille de l'assaut. "
Dans une autre lettre datée de décembre 1744, le gouverneur Mascarene a écrit : " Nous devons notre salut à l'aide que nous avons reçue au bon moment du gouverneur du Massachusetts et au fait que nos habitants français ont refusé de prendre les armes contre nous. Si les Acadiens avaient pris les armes, ils auraient pu aligner trois ou quatre mille hommes contre nous. "
Que devons-nous déduire de ces lettres du gouverneur Mascarene ? Quoi d'autre que le fait que des Acadiens restés loyaux à leur serment d'allégeance dans une situation aussi éprouvante et confuse n'ont sûrement pas été déloyaux quand ni l'occasion, ni aucune incitation ne se présentaient. Il vaut la peine de souligner ici qu'aucune des lettres du gouverneur Mascarene témoignant de la loyauté des Acadiens durant cette guerre n'est trouvable dans les Archives de la Nouvelle-Écosse. Il est évident que leur compilateur voulait en omettre tout ce qui pourrait prouver la fidélité des Acadiens à leur serment d'allégeance.
Je tiens à dire quelques mots ici sur le caractère et la conduite de l'abbé LeLoutre, le missionnaire français qui a joué un rôle significatif dans les événements de l'époque. Il ne fait aucun doute que ce prêtre emporté et trop zélé a fait tout ce qu'il pouvait pour ameuter les Indiens contre les Anglais; à cet égard, sa conduite est tout à fait répréhensible. Néanmoins, le lecteur devrait se rappeler que Le Loutre n'a jamais été missionnaire auprès des Acadiens vivant en territoire britannique; ceux qui l'accusent sans le moindre fondement d'avoir semé la déloyauté dans les cœurs et les esprits des Acadiens ne devraient pas l'oublier. Il est certain que ce prêtre a fait tout ce qui était en son pouvoir pour inciter ses compatriotes vivant sur le territoire britannique à en partir, mais il n'y a pas la moindre preuve qu'il ait jamais tenté de les détourner de leur allégeance tant qu'ils voulaient rester sujets du souverain anglais. L'abbé LeLoutre et ses compagnons missionnaires œuvraient sur le territoire français, de sorte que leur zèle et leur ardeur dans l'intérêt de leurs compatriotes étaient entièrement justifiables. Par contre, les efforts que l'abbé a déployés pour forcer les Acadiens à quitter le territoire britannique étaient condamnables, et il a d'ailleurs été réprimandé à ce sujet par l'évêque de Québec. Le missionnaire avait indéniablement le droit de tenter de persuader les Acadiens de partir, mais ses droits et son devoir s'arrêtaient là. Il convient toutefois de rappeler que, comme Richard l'a écrit, " la culpabilité des Français qui ont eu recours à des mesures extrêmes pour contraindre les Acadiens de quitter le territoire britannique n'est pas plus grande que celle du gouverneur et n'en est même pas l'égale, car s'il y a eu dans un cas de la violence dans l'exercice d'un droit, il y a eu dans l'autre de la violence contre cet exercice. La conduite des Français mérite d'être blâmée plutôt pour leur méthode que pour leur objectif.
Quand au zèle de l'abbé Le Loutre, qui frisait le fanatisme, il est certain que son désir de convaincre les Acadiens de passer sur le territoire français, où l'on ne ferait rien contre leurs croyances, était tout à fait naturel, compte tenu du projet dont le gouverneur Shirley avait fait part au duc de Newcastle dans une lettre datée du 15 août 1746... " Par ces moyens, en chassant les prêtres romains de la Province et en introduisant des écoles anglaises protestantes et des ministres protestants français, ainsi qu'en encourageant ceux des Acadiens qui se conformeraient à la religion protestante et enverraient leurs enfants dans des écoles anglaises, on en ferait largement de vrais sujets protestants dans la prochaine génération. " Qui pourrait nier que ce projet était infâme ou que le zèle de l'abbé LeLoutre et l'intérêt très réel qu'il portait aux Acadiens n'étaient ni opportuns, ni justifiés?
Nous devons maintenant passer au cœur de la question, autrement dit à l'expulsion et à la déportation des Acadiens. Dans quel esprit cette idée est-elle née et quels en étaient les motifs ? Nous avons vu que les Acadiens étaient fidèles à leur serment d'allégeance et qu'ils n'ont jamais manqué à leur devoir de se déclarer sujets de la Grande-Bretagne et de prouver leur loyauté. Il est vrai qu'ils ont demandé qu'on ajoute une condition à leur serment, afin d'être exemptés, en cas de guerre entre les Anglais et la Français, de l'obligation de se battre contre leurs parents. Ce qui est étrange, c'est que ce serment sous condition ait pu être acceptable pour le gouverneur Phillips, mais tout à fait inacceptable pour le gouverneur Lawrence. Pendant près de 43 ans, les Acadiens ont paisiblement vécu et labouré leurs terres fertiles, en se conformant toujours à ce serment de fidélité et en rejetant toutes les propositions que les Français leur faisaient pour qu'ils donnent leur allégeance à la France; pourtant, en dépit de tout cela, les gouverneurs britanniques avaient déjà planifié leur cruelle décision de les expulser et de les déporter, à condition d'arriver à convaincre le gouverneur de Grande-Bretagne d'y souscrire.
Ce sinistre projet de déportation fut conçu à l'époque du gouverneur Phillips, mais c'est Lawrence qui exécuta son plan impitoyable. Par son tact, sa bonté et son esprit de conciliation, le successeur de Cornwallis au poste de gouverneur, Hopson, avait si bien su gagner la confiance et le bon vouloir des honnêtes et simples Acadiens que, n'eût été leur crainte des Indiens, ils auraient accepté de prêter serment d'allégeance sans condition et seraient devenus de véritables sujets de la Grande-Bretagne, comme le confirme une lettre d'Hopson aux Lords du Commerce datée du 23 juillet 1753 : " Les Acadiens sont allés jusqu'à tenir une consultation pour savoir s'ils ne devraient pas se réclamer de la protection du gouvernement britannique et devenir sujets britanniques, à toutes fins utiles, mais il y avait une objection énorme à ce qu'ils en décident ainsi, et c'était que, comme ils vivent dans des fermes très éloignées l'une de l'autre et qu'ils ne sont naturellement pas capables de résister à quelque ennemi que ce soit, les Français auraient pu dépêcher des Indiens chez eux pour les harceler à un point tel qu'ils n'auraient pas pu rester dans leurs fermes. Nous avons ici, sous la plume d'un gouverneur qui s'adresse aux Lords du Commerce, la véritable raison pour laquelle les Acadiens ont toujours refusé de prêter serment d'allégeance sans condition.
Le gouverneur Hopson était un homme juste et bon, comme on peut le constater à la lecture des ordres suivants qu'il avait envoyés aux commandants des forts de Grand-Pré et de Pigiguit : " Vous devez considérer les Acadiens de la même façon que le reste des sujets de Sa Majesté quant à la protection des lois et du gouvernement, et pour cette raison, rien ne doit leur être pris par la force, et le prix de leurs marchandises ne doit pas non plus être imposé par la force, mais bien être celui dont ils conviennent aussi; en outre, s'il arrivait qu'ils refusent obstinément de faire ce que le service de Sa Majesté attend d'eux, vous ne devez pas avoir recours à la force des armes, ni à aucun moyen illégal, mais en saisir le gouverneur et attendre ses ordres à cet égard. Vous devez faire afficher les ordres suivants dans la partie la plus publique du fort, en anglais et en français. "
" Premièrement. Les provisions ou autres marchandises que les Acadiens apporteront au Fort pour les vendre ne doivent pas leur être retirées à un prix préétabli, mais payées conformément à une entente librement conclue entre eux et les acheteurs. "
" Deuxièmement. Aucun officier, sous-officier ou soldat ne doit insulter ou soumettre de quelque autre façon les Acadiens à de mauvais traitements, car il faut en toutes circonstances les traiter comme des sujets de Sa Majesté qui sont assujettis aux lois du pays, tant pour les protéger que pour les punir. "
" Quand au combustible qu'il vous faut pour le Fort, vous devez faire savoir aux Acadiens, par l'intermédiaire de leurs délégués, que Sa Majesté désire qu'ils vous fournissent la quantité de bois requise; quand ils l'auront fournie, vous leur remettrez des certificats précisant quelle quantité de bois ils ont fournie grâce auxquels ils pourront se la faire payer à Halifax. "
Ces ordres donnent un crédit incalculable au gouverneur Hopson, pour sa noblesse d'esprit et son sens de la justice; chaque ligne témoigne du traitement des Acadiens par les premiers gouverneurs. Il faut y voir non seulement un éloge éloquent pour le naturel d'Hopson, mais en déduire aussi des indications clés sur la situation des Acadiens au cours des années antérieures.
Néanmoins, dès qu'il est devenu gouverneur, Lawrence s'est empressé de révoquer ces ordres justes et humains d'Hopson. Voici l'ordre qu'il a envoyé à tous les forts :
" Vous ne devez pas barguigner avec les Acadiens pour leur dû ; quand ils vous apporteront les marchandises voulues, vous leur remettrez des certificats qui leur donneront droit à Halifax à des sommes jugées raisonnables. S'ils n'obtempèrent pas immédiatement, vous leur assurerez que le prochain courrier vous délivrera un ordre d'exécution militaire contre les délinquants. " Quelques semaines plus tard, dans une lettre au capitaine Murray, le commandant du Fort Edward, ce même gouverneur Lawrence, que l'historien Philip H. Smith qualifie de " parvenu despotique ", ajoute à ce premier ordre le suivant :
" N'acceptez aucune excuse s'ils ne vous livrent pas de bois à brûler, et s'ils ne le font pas en temps voulu, les soldats s'empareront tout simplement de leurs maisons et les démoliront pour se chauffer. " Bien entendu, ces lettres - ces ordres - sont tous introuvables dans les Archives de la Nouvelle-Écosse : leur présence serait gênante parce qu'elle aurait contrecarré les desseins de leur compilateur Thomas B. Akins, un partisan de Lawrence et de ses comparses.
Il serait fastidieux de relater ici toutes les machinations et toutes les manigances auxquelles Lawrence a eu recours pour tenter de maquiller d'un semblant de justice l'impitoyable projet cruel qu'il avait résolu d'accomplir. À l'instar de MacBeath, qui avait déterminé d'assassiner Duncan longtemps avant que le roi ne soit son hôte dans l'enceinte de son château, ce despote meurtrier, arrivé par l'artifice et la roublardise au faîte du pouvoir et de la souveraineté de la colonie, après avoir débuté comme peintre en bâtiments, nourrissait depuis des années ce noir complot dont l'exécution allait salir à tout jamais l'histoire jusqu'alors vierge du Nouveau Monde et commettre sur nos rives canadiennes un crime dont tous les véritables amants de notre terre, de sa justice et de son honneur doivent à jamais rougir.
Une fois née, l'idée de ce crime a trouvé un terrain fertile dans le cœur cruel, égoïste et ambitieux de Lawrence ; il n'avait pas besoin de sorcières sur la lande pour la nourrir et l'amener à maturité.
À ce moment-là, le grand dessein de Lawrence était d'obtenir le consentement du gouvernement britannique à la déportation qu'il projetait. C'est on ne peut plus évident dans la lettre suivante adressée aux Lords du Commerce, en date du 1er août 1754 : " Ils (les Acadiens) n'ont depuis longtemps rien apporté à nos marchés, alors qu'ils ont au contraire tout apporté aux Français et aux Indiens, à qui ils ont toujours fourni des provisions, un abri et des renseignements, et ce sans avoir prêté serment d'allégeance à Sa Majesté - un serment qu'ils ne prêteront jamais tant qu'ils n'y seront pas contraints -, en accueillant parmi eux des prêtres français incendiaires, au point qu'il n'y a aucun espoir de les voir s'amender. "
" Comme ils possèdent les meilleures et les plus grandes terres de la Province, la situation ne saurait être réglée de façon tangible tant qu'ils resteront comme ils sont, et bien que je sois très loin d'être enclin à tenter une telle démarche sans l'approbation de Vos Seigneuries, je ne puis m'empêcher d'être d'avis que, s'ils refusent de prêter serment, il serait de loin préférable qu'on les envoie loin d'ici. "
Si seulement Lawrence avait pu provoquer les Acadiens pour qu'ils commentent un acte susceptible de justifier plus de rigueur encore ! Mais non, ces gens paisibles obéissaient à tous les ordres, même les plus durs.
C'est tout à l'honneur du gouvernement britannique, dont le sens de la justice est bien plus noble et bien plus aiguisé que celui d'un Hastings aux Indes, d'un Lawrence en Nouvelle-Écosse ou d'un Rhodes en Afrique du Sud, que les Lords du Commerce refusèrent d'approuver l'expulsion des Canadiens. Le 15 août de la même année, 1754, le Secrétaire d'État écrivit au gouverneur Lawrence au sujet du projet que ce dernier avait formé d'expulser les Acadiens abandonnés, quoique ce projet ait été formulé en termes si ambigus qu'il aurait pu s'entendre de tous les Acadiens au nord de la péninsule : " Quel qu'ait été votre dessein, nous ne doutons pas que vous ayez pensé aux conséquences pernicieuses qui risquent de découler d'une alarme qui aurait pu être donnée à l'ensemble des Français neutres, à la célérité avec laquelle le désespoir peut engendrer l'insurrection, ou encore au grand nombre de sujets que le roi de France gagnerait s'ils fuyaient. "
* * * *
En outre, les autorités britanniques estimaient que les trois projets de transmigration des Acadiens de la Péninsule auraient eu pour effet de priver la Grande-Bretagne d'un très grand nombre de bons sujets, s'ils devaient englober tous ceux qui habitaient dans la région à l'époque de la signature du traité et leurs descendants.
Pourtant, Lawrence était bien décidé à réaliser son projet de déportation. Les Acadiens ne possédaient-ils pas " les meilleures et plus grandes terres de la Province ", et, par conséquent, n'était-il pas préférable qu'ils en soient envoyés bien loin ? En outre, les 118 300 bovins, moutons, porcs et chevaux appartenant aux Acadiens ne se retrouveraient-ils pas en sa possession? Oui, Lawrence voulait absolument déporter les Acadiens, et il lorgnait leur bétail pendant tout ce drame douloureux.
Ce despote du Nouveau Monde écrivit en effet au commandant du fort Beauséjour, le colonel Monckton, afin de lui donner les instructions suivantes pour l'arrestation et la déportation des Acadiens : " Comme il pourrait être très difficile de vous assurer de leur personne, pour vous faciliter la tâche le plus possible, vous détruirez tous les villages du côté nord et du côté nord-ouest de l'isthme situés à quelque distance du Fort Beauséjour, et vous userez de toute autre méthode propre à harceler ceux qui pourraient tenter de se cacher dans les bois. Cela dit, je tiens à ce que vous preniez toutes les précautions pour sauver le bétail et empêcher autant que faire se peut les Acadiens d'emmener ou de tuer ces bêtes ". C'était donc sa stratégie, faire l'impossible pour harceler les habitants, mais sauver le bétail !
On peut lire la plainte suivante dans un paragraphe tiré d'un mémoire envoyé en 1758 en Angleterre par des habitants de la Nouvelle-Écosse qui réclamaient que le gouvernement britannique enquête sur les abus perpétrés par le gouverneur Lawrence :
" Le bétail des Acadiens a servi à enrichir des intérêts privés, car nous savons que 3 600 porcs et près de 1 000 bovins ont été abattus et équarris dans le seul village de Pigiguit, puis transportés par mer à d'autres endroits. Le secret est encore gardé sur ce qui s'est passé aux autres forts, mais il s'agit d'une très forte somme, et son intendance et lui-même ont maintenant bien du mal à camoufler cette fraude inique, etc. "
Entre-temps, le drame de la déportation s'est vite déroulé - le cours des événements a été plus rapide encore avec Lawrence comme protagoniste que la fatalité qui mit MacBeath face à Macduff dans les bois de Dunsinane. Les Acadiens ont été privés de leurs bateaux et de leurs mousquets; on leur a pris leurs archives; on a emprisonné leurs prêtres. Après avoir fini par accepter de prêter serment d'allégeance sans condition, leurs délégués se sont fait dire que " comme il n'y avait aucune raison d'espérer que leur proposition de se conformer procédait d'un esprit ouvert et qu'on pouvait seulement conclure qu'elle résultait de la contrainte et de la force, et ce contrairement à une clause d'une loi du Parlement, I, George II, chapitre 13, disposant que quiconque a refusé de prêter serment d'allégeance ne peut être autorisé par la suite à le prêter, ils [devaient] être considérés comme des récusants papistes. Par conséquent, cette autorisation leur est refusée et il est ordonné qu'ils soient détenus séance tenante. "
Et voilà que commence vraiment le triste drame de la déportation. Aucun autre événement de l'histoire ancienne ou moderne n'a fait verser tant de larmes. C'est une tragédie du Nouveau Monde qui restera dans nos mémoires tant que les hommes auront un cœur.
Les vaisseaux de transport mouillent au large; les Acadiens reçoivent l'ordre de se rassembler dans leur église, dont les bas-côtés bénis sont profanés par les blasphèmes d'une soldatesque brutale. C'est dimanche, un jour où la paix et la prière règnent normalement sur tout le village de Grand-Pré ! Sur les marches de l'autel, Winslow lit un ordre forgé, censé émaner de Sa Majesté le Roi d'Angleterre, qui envoie les habitants de Grand-Pré en exil, " un exil sans fin et sans exemple dans l'Histoire ".
Je vais laisser Longfellow, le poète, décrire l'embarquement des infortunés Acadiens forcés de quitter leurs foyers heureux et paisibles pour aller ils ne savaient où :
Là, le désordre prévaut, et dans le tumulte et la clameur de l'embarquement,
Vont affairés les bateaux surchargés; dans la confusion,
Les épouses sont arrachées à leurs maris et les mères, trop tard, voient leurs enfants
Laissés au bord, tendant les bras avec des cris éperdus.
Ainsi, Basile et Gabriel sont embarqués dans des navires différents
Pendant qu'Évangéline désespérée reste sur la rive avec son père.
La tâche n'est pas à moitié finie que le soleil se couche; le ciel s'assombrit.
En toute hâte, avec la marée basse,
Les vaisseaux s'éloignent, laissant la plage sablonneuse
couverte d'enfants perdus, de varech et d'algues gluantes
Plus loin, au milieu des effets et des charrettes des exilés,
Comme un camp de vagabonds ou de vaincus après la bataille,
Toute issue bloquée par la mer et les sentinelles qui les entourent,
Gisent pour la nuit les fermiers acadiens dépossédés.
L'océan rageur reflue dans ses profondeurs, raclant sur la plage ses galets,
Laissant à terre et sur les rives les bateaux échoués des marins.
Comme la nuit tombe, les vaches rentrent des champs;
L'air calme et humide embaume le lait de leurs pis;
Les bêtes meuglantes attendent longtemps à la barrière connue de la ferme,
Attendent et attendent en vain la voix et la main qui ne les traira plus.
Tout est silence dans les rues, de l'église, point d'Angélus ne sonne,
Ni ne s'élève de fumée des cheminées, ni ne brillent de lumières aux fenêtres.
Pendant huit ans - de 1755 à 1763 - la déportation des malheureux Acadiens se poursuit sporadiquement. Des 18 000 habitants de la péninsule, de l'isthme de Chédiac, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Cap-Breton, on en déporta 14 000, dont 8 000 périrent. Ils furent éparpillés sur les rivages du Massachusetts, de l'État de New York, de la Pennsylvanie, du Maryland et des Carolines, parmi des étrangers dont les portes et les cœurs leur sont dans bien des cas restés fermés, sourds à leur malheur, sur l'ordre de Lawrence aux gouverneurs coloniaux. La déesse Junon, blessée dans sa beauté, a poursuivi de sa vengeance les exilés troyens sur les flots; Lawrence, cet esprit cruel et vindicatif, a poursuivi ses pacifiques victimes dépouillées jusque dans la solitude de leur exil.
Et pourtant, c'est cet homme que Parkman blanchit et défend. Parkman, dont les belles pages font les délices de milliers de lecteurs ! Parkman, qui partagea pendant un an la rude existence des sauvages Indiens afin de pouvoir mieux étudier leur caractère pour les pages de son histoire ! Parkman, qui adule l'héroïsme, tant spirituel que physique ! Avec en mains les faits authentiques sur l'expulsion et la déportation des Acadiens, tels qu'ils figuraient dans les documents de l'époque, cet historien de la Nouvelle-Angleterre qui a eu l'idée, à l'ombre d'Harvard, d'écrire dix volumes sur l'histoire et la fortune de la Nouvelle-France au Nouveau Monde, a perdu à jamais sa réputation d'historien honnête et impartial en tentant de justifier la conduite du despote le plus brutal qui ait jamais déshonoré les annales de l'Amérique coloniale ! Faut-il s'étonner que l'Université Laval de Québec, fondée par les dons et la grâce du génie et de la générosité française, ait hésité à remettre le mortier du doctorat à ce conteur de Nouvelle-Angleterre ? Ç'aurait été un honneur qu'il n'avait pas mérité. Hannay est partisan, lui aussi, Murdock, honnête, mais faible, Haliburton, le distingué créateur de Sam Slick, un esprit judiciaire et probe, Smith, Casgrain et Rameau, des cerveaux méticuleux et prudents. Pourtant, c'est au manuscrit du Révérend Andrew Brown et aux recherches ainsi qu'au long labeur d'Édouard Richard que nous devons la vérité sur l'histoire de l'expulsion et de la déportation des Acadiens. Kingsford n'est que l'écho de Hannay et Parkman, tandis que le professeur Goldwin Smith reflète les écrits des trois, sans compter que c'est habituellement un cauchemar pour lui de croiser un Canadien français ou un Jésuite dans son parcours littéraire. Néanmoins, même cet ancien professeur d'Oxford n'a pas été le dernier à trahir la réputation des Acadiens.
Douglas Sladen, un barde itinérant d'Australie qui séjourna quelque temps au Japon, a en effet eu l'idée d'ajouter son grain de sel à ce triste chapitre de l'histoire de notre pays, pendant un voyage éclair au Canada où il avait dîné avec certains beaux esprits des Maritimes. Voici un exemple de sa contribution à ce dossier, tirée d'une page de son récent ouvrage monumental intitulé On and Off the Cars. (Il est très évident que le pèlerin poétique a raté le coche cette fois là....) Voici ce qu'il a dire sur les Acadiens : " Ces pauvres hères tenaient autant à leurs terres qu'un paysan irlandais " - c'était un grand crime, bien sûr, puisque Lawrence voulait établir ses amis sur ces terres - " et ils avaient été rebelles non à l'idée de s'intégrer, mais parce qu'ils appartenaient corps et âme à l'Église, laquelle n'était qu'une machine aux mains de l'abbé LeLoutre. "
M. Richard a consacré des années à ses recherches en consultant des archives à Londres, à Paris, à Halifax et ailleurs avant de présenter le fruit de son travail dans un livre, alors que Douglas Sladen n'avait pas besoin de faire des recherches, car la vérité lui est venue par son intuition et parce qu'il est bachelier d'Oxford ....
Pourtant, le temps rétablit bien vite la réputation de ces Acadiens paisibles et pieux.
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