JUSTICE POUR L'ACADIE

Shane P. Landry, J.D., LL.M.

12 mai 1997 / Mise à jour - le 4 juillet 2001


Yahvé dit à Caïn : « Où est ton frère Abel? »
Il répondit: «
Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère? »
Yahvé reprit : « Qu'as
-tu fait! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol!»

Genèse 4 9-10

1. INTRODUCTION

En 1760, un groupe de réfugiés désespérés adresse une pétition au Roi Georges III lui demandant de faire faire une enquête judiciaire sur les événements qui les ont fait aboutir en Pennsylvanie. Ces pétitionnaires sont les pitoyables survivants d'une déportation tumultueuse qui a réduit un peuple jadis fier et industrieux à la pauvreté et à l'exil politique. Ce sont des Acadiens. Entre quatre cents et cinq cents d'entre eux ont été exilés à Philadelphie. Des milliers d'autres ont été dispersés dans toute l'Amérique du Nord britannique. Leur seul crime était d'être des francophones catholiques du mauvais bord de la guerre froide qui a précédé les vraies batailles de la guerre de Sept Ans, mais on a néanmoins brûlé leurs maisons et confisqué leurs terres et leurs biens meubles, après avoir porté de fausses accusations contre eux. Quant aux Acadiens eux-mêmes, on les a rassemblés systématiquement pour les entasser dans des navires insalubres qui, peu de temps après, les emmenèrent loin de leur chère Acadie.

Les Acadiens avaient été de loyaux sujets de Sa Majesté britannique durant quarante-deux ans, contrairement à ce que prétendait la propagande de l'époque. Pendant la guerre de Succession d'Autriche, moins de dix ans auparavant, des Acadiens avaient même risqué leur vie en faisant passer aux Britanniques des renseignements sur les terroristes français et indiens. Contrairement à leurs cousins de la Nouvelle-France voisine, les Acadiens bénéficiaient en théorie des libertés et protections que leur procurait leur état de sujets britanniques. D'ailleurs, aux termes du traité d'Utrecht de 1713 et de l'édit de la Reine Anne, les Acadiens étaient autorisés à pratiquer librement leur religion catholique et avaient droit à la propriété libre de leurs terres - ce dont les autres catholiques britanniques ne pouvaient pas se vanter. Les « Conventions de 1730 », comme on les appelle, accordaient même aux Acadiens le statut de « French Neutrals » (Français neutres), ce qui les exemptait de servir dans la milice de la Nouvelle-Écosse.

Bref, la vie avec les Britanniques est relativement paisible et sans doute même préférable à la vie sous le régime français autoritaire du Québec, du moins en apparence. En réalité, l'oligarchie britannique qui dirige la Nouvelle-Écosse s'est toujours méfiée de la population acadienne indigène (1). Le papisme des Acadiens la choque et les liens culturels qui les rattachent à la France constituent une source permanente de crainte et de méfiance. Les Britanniques ont toujours cru qu'il serait préférable que ceux-ci quittent la colonie, mais leur classe dirigeante ne peut se passer des Acadiens qui approvisionnent leurs garnisons. Il est difficile de faire venir les colons protestants en plus grand nombre parce que les Acadiens possèdent toutes les meilleures terres et qu'ils sont aussi les seuls à savoir comment faire fonctionner les réseaux compliqués d'irrigation et de digues qui facilitent l'agriculture en Nouvelle-Écosse. Anglais et Acadiens ont donc fini, peu à peu, par vivre en une difficile symbiose.

Ce mode de vie dure jusqu'à la fondation de Halifax qui permet aux Britanniques de court-circuiter les intermédiaires acadiens en allant s'approvisionner directement en Nouvelle-Angleterre. La balance du pouvoir bascule presque du jour au lendemain. Dès 1755, les Britanniques n'ont plus besoin des Acadiens. Désormais libérés des considérations utilitaires, les pires démons de la nature anglaise prennent le dessus et les Acadiens ne deviennent qu'un obstacle de plus à l'hégémonie coloniale britannique en Amérique du Nord. C'est ainsi qu'avec une cruelle efficacité, les Acadiens sont exilés de force du pays qui était le leur depuis 1604.

Malheureusement, les prières des Acadiens de Philadelphie ne sont pas entendues. À la fin de la guerre de Sept Ans, le gouvernement britannique oublie rapidement cette ancienne source de tant d'inquiétude. Les historiens anglo-américains glissent sur les crimes commis contre un peuple pacifique qui, lui aussi, oublie rapidement le passé. La plupart des gens aujourd'hui n'ont jamais entendu parlé de l'Acadie ni des Acadiens. Il arrive à l'occasion qu'un admirateur de Longfellow se souvienne de Évangéline, mais pour la plupart de nos contemporains, les Acadiens ne représentent qu'une note en bas de page dans la vieille histoire poussiéreuse de l'Empire britannique.

En Louisiane, c'est bien différent parce que nombre des Acadiens de la Nouvelle-Écosse qui ont survécu à la déportation ont fini par aboutir dans l'ancienne colonie française (2). C'est encore plus vrai pour un Louisianais en particulier. Maître Warren Perrin, descendant d'exilés acadiens et avocat cajun réputé de Lafayette, a entendu les cris de ses ancêtres et il est bien déterminé à amener le gouvernement britannique actuel à revenir sur la pétition présentée par les Acadiens de Philadelphie (3). II négocie avec le gouvernement britannique depuis 1990. Au départ, il voulait intenter une poursuite directement devant les tribunaux, mais étant revenu à la raison, il a plutôt présenté à la Première ministre Margaret Thatcher et à Sa Majesté la Reine Élisabeth II une pétition dans laquelle il présente essentiellement cinq requêtes

1) Rétablir la condition de « Français neutres »;

2) Faire faire une enquête publique sur la tragédie par une commission juste et impartiale;

3) Déclarer la fin de l'exil des Acadiens;

4) Reconnaître publiquement que la déportation était dérogatoire au droit international et au droit britannique;

5) Ériger un petit monument simple et symbolique, portant une inscription commémorant la « fin de l'exil » , pour sceller l'amitié qui unira désormais le peuple britannique et le peuple acadien.

Depuis sept ans, Me Perrin et les Britanniques s'échangent des menaces voilées sans démordre de leurs convictions. Les Britanniques estiment que la pétition de Me Perrin est extrêmement fâcheuse et, par surcroît, dénuée de tout fondement. Helen Mann, vice-consule aux affaires publiques au consulat général de Grande-Bretagne à Houston, a déclaré que cette affaire remontait à un incident survenu en 1755 qui est aujourd'hui de l'histoire ancienne (4). Elle a ajouté : « On ne peut pas dire que les descendants des Acadiens vivent en exil de nos jours; c'est pourquoi il est parfaitement inutile, à notre avis, de mener une enquête publique sur les circonstances ayant entouré un incident historique (5) ». Par ailleurs, le gouvernement britannique soutient que toute obligation découlant des événements en cause incombe maintenant au gouvernement du Canada en vertu de l'Acte de l'Amérique de Nord britannique (6). Le gouvernement britannique est allé jusqu'à menacer Warren Perrin de prendre de graves sanctions juridiques contre lui si jamais il s'avisait de soumettre sa requête à une cour de justice.

II. Résumé des arguments .

Je vais exposer plusieurs arguments pour justifier que le gouvernement de Sa Majesté soumette les questions présentées dans la pétition de Warren Perrin à une audition équitable quelconque. Premièrement, il y a ce que j'appelle le phénomène de la souillure, c'est-à-dire la notion qu'un sentiment persistant d'incomplétude influe sur le psychisme tant de la victime que de son agresseur lorsque des crimes horribles ne sont pas résolus. À la limite, cela peut éventuellement provoquer des frictions entre deux peuples, puisque les atrocités du passé remontent constamment à la surface lors d'accès de vengeance et de contrevengeance non contenues. Je soutiens que les atrocités du passé ont besoin du temps et de l'espace rituels d'un arbitrage quel qu'il soit, afin de rompre le cycle de la victimisation et de laver les sentiments d'incomplétude qui découlent des blessures non guéries par la justice. Nous affirmons en essence qu'il y va de l'intérêt de la Grande-Bretagne tout autant que de celui de la communauté internationale de tenir une enquête publique équitable sur cette affaire. Ensuite, je soutiendrai que l'intégrité de la Couronne britannique et de la Constitution anglaise serait servie par une enquête publique. L'histoire de la déportation est telle qu'elle révèle plusieurs graves violations du droit fondamental britannique, qui tendent à ternir la réputation de la monarchie. Enfin, je ferai valoir que le mépris du droit international pour les crimes contre l'humanité, notamment le génocide et la purification ethnique, commande à la Grande-Bretagne d'agir pour mettre fin à l'exil.

III. Contexte historique de l'exil

Il serait prudent, à ce stade-ci, de rappeler sommairement certains des faits pertinents entourant l'affaire. Les historiens s'entendent généralement sur les événements qui ont précédé la déportation (7). La situation a commencé à se détériorer pour les Acadiens dans les années 1740. Comme c'est le cas pour nombre d'ethnies de nos jours - on pense aux Kurdes par exemple -, les Acadiens ont eu la malchance de se retrouver à cheval sur une frontière ennemie. Lorsque l'Acadie a été cédée à la Grande-Bretagne par le traité d'Utrecht, elle n'a pas été délimitée avec précision. Autrement dit, la frontière entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Écosse était assez floue. Les Acadiens établis du côté français de la frontière avaient des liens de parenté avec la majorité des Acadiens qui avaient choisi de devenir sujets de Sa Majesté britannique. Donc, lorsque la guerre éclata de nouveau entre Français et Anglais, les Acadiens se sont retrouvés pris entre l'arbre et l'écorce.

La guerre de Succession d'Autriche a été une période critique de l'histoire des Acadiens. C'était la première fois que leur loyauté envers la Grande-Bretagne était vraiment mise à l'épreuve. Les Acadiens faisaient face à deux forces déstabilisatrices venant du Québec, qui menaçaient de renverser l'existence paisible et prospère, quoique fragile, qu'ils s'étaient taillés auprès des Britanniques. Leurs compatriotes hyper zélés de l'autre côté de la frontière, des anti-Britanniques convaincus comme l'histoire l'a montré, étaient une source intarissable de propagande et de pression pour les amener à venir en aide aux irréguliers franco-indiens qui étaient censés être là pour les libérer (8). Outre les appels de la parenté, le terrorisme franco-indien était une menace perpétuelle. Des prêtres fanatiques établis le long de la frontière prenaient plaisir à échauffer l'esprit des Indiens de l'endroit jusqu'à les plonger dans un état de frénésie sanguinaire.

Évidemment, certains Acadiens de la Nouvelle-Écosse se laissaient intimidés par les forces de la Nouvelle France, mais l'histoire montre que la plupart des Acadiens sont restés fidèles à leur serment d'allégeance à la Couronne britannique. Les Britanniques l'ont eux-mêmes reconnu. Le 2 juillet 1744, le gouverneur Mascarene a écrit au secrétaire de la Guerre à Londres : « Les Acadiens sont restés loyaux et n'ont pas du tout rejoint l'ennemi qui a tué une bonne partie de leur bétail ... (9) » « Même lorsque Annapolis a été attaquée deux fois par les Canadiens français et qu'une intrépide bande de Canadiens français a capturé la garnison anglaise de Mines en février 1747, la très grande majorité des résidents ont refusé de prêter assistance à l'attaquant (10). » En tout, seulement 20 Acadiens néo-écossais auraient épousé la cause des Français.

Ce petit nombre a suffi, apparemment, à effrayer l'oligarchie britannique, parce qu'il a été question de déportation de plus en plus ouvertement. Les rumeurs sur le projet britannique d'expulser par la force de force les Acadiens ont fini par atteindre les habitants. Les Acadiens en ont été grandement troublés.

Les Acadiens avaient toujours cru, en s'appuyant grosso modo sur l'édit de la Reine Anne, qu'ils auraient la liberté de quitter la colonie pour se rendre où bon leur semblerait si le gouvernement britannique finissait par ne plus supporter leur présence. D'ailleurs, durant les trois décennies où ils ont vécu sous le régime britannique, ils ont tenté à maintes reprises d'exercer ce droit, mais ils se sont heurtés chaque fois aux propos ambigus de la bureaucratie et, habituellement, à un adoucissement du discours anglais au sujet de la signature d'un serment d'allégeance inconditionnel. Après les Conventions de 1730, on en avait peu reparlé. Les Acadiens ont donc considéré les Conventions de 1730 comme une sorte de pacte entre la Couronne britannique et eux, qui réglait la controverse.

Lorsque les Acadiens ont eu vent du dessein des Britanniques, ils ont paniqué. Nombre d'entre eux ont commencé à se préparer à quitter la colonie. Â l'époque, ces préparatifs étaient stratégiquement inacceptables pour les Britanniques puisque, au dix-huitième siècle, chaque homme en santé était susceptible de servir en cas de guerre coloniale. Les Acadiens, par les Conventions de 1730, avaient refusé de servir dans la milice qu'elle soit française ou anglaise, mais s'ils quittaient la colonie, ils ne seraient plus tenus moralement ni légalement à la neutralité. Les Britanniques craignaient avec raison que l'émigration acadienne ne grossisse les rangs des forces françaises. De plus, les garnisons anglaises de la NouvelleÉcosse continuaient de dépendre des agriculteurs acadiens pour se nourrir.

Cette crise a suscité un échange de lettres entre les autorités qui formaient le gouvernement britannique. Les délégués acadiens ont interrogé le gouverneur Mascarene au sujet de la véracité des rumeurs. Mascarene a fait part de leurs craintes au gouverneur Shirley de la Nouvelle-Angleterre. Il est même allé jusqu'à attester la loyauté indéfectible des Acadiens. Le gouverneur Shirley a répondu dans une lettre que Mascarene a remise aux Acadiens. Le passage pertinent se lit comme suit

Ayant entendu dire que les habitants de la Nouvelle-Écosse accusent le gouvernement britannique de former le dessein de les chasser de leurs terres, je vous prie de leur dire que si jamais Sa Majesté avait de telles intentions, elle m'en aurait certes fait part. Je suis convaincu que leurs craintes ne sont pas du tout fondées. Veuillez leur assurer que je vais convaincre Sa Majesté de continuer à leur accorder sa faveur et sa protection royales (11)..

Les paroles du gouverneur Shirley, un chaud partisan de l'empire et un anti-catholique déclaré, n'ont pas rassuré les Acadiens. Il a donc été obligé de faire appel au gouvernement royal et, le 30 mai 1747, le duc de Newcastle, le Premier ministre britannique, a envoyé cette réponse officielle :

Sur ordre de sa Majesté :

Attendu que vous avez signalé que prévalait chez les Acadiens l'opinion que nous avions l'intention de les chasser de leurs terres et de leurs habitations dans la Province; et attendu que cette rumeur a sans doute été diffusée à dessein afin de les inciter à renoncer à leur allégeance envers Sa Majesté pour se joindre à l'ennemi; Sa Majesté estime nécessaire de prendre les mesures qui s'imposent pour faire taire ces rumeurs sans fondement et, à cette fin, il plaît au Roi que vous déclariez officiellemen et publquement aux sujets de Sa Majesté, les Acadiens de la Province, qu'une telle appréhension est dénuée de tout fondement; au contraire, Sa Majesté est résolue de protéger chacun d'eux et de leur laisser, tant qu'ils continueront à la servir et à lui prêter allégeance, la possession paisible de leurs habitations respectives, et qu'ils continueront de jouir de la liberté de pratiquer leur religion. (12)

Comme Sa Majesté avait donné sa parole que leur situation ne changerait pas s'ils restaient fidèles à leur serment, les Acadiens ont jugé que c'était une confirmation royale des Conventions de 1730. Leurs craintes se sont estompées et ils sont demeurés d'une loyauté indéfectible envers les Britanniques. Le 18 octobre 1748, la guerre de Succession d'Autriche a pris fin.

Malheureusement, le succès du terrorisme franco-indien mené pendant cette guerre a laissé un grand malaise parmi l'aristocratie britannique sur place. Malgré la loyauté éprouvée des Acadiens et les promesses de la Couronne de préserver le statu quo, on a lancé un grand effort pour assurer stratégiquement l'empire des Britanniques sur la colonie. Lorsque les Britanniques ont fondé Halifax, « les Acadiens ont cessé d'être la cheville ouvrière de la chaîne d'approvisionnement de la garnison et l'attitude des Britanniques [. . . ] a changé radicalement en conséquence, surtout quand des raids indiens destructeurs, menés en 1750 à la suggestion des Français contre les Acadiens établis le long de la frontière », ont prouvé une fois de plus que la colonie était vulnérable (13).

Ces nouveaux actes de terreur ont été commis à cause d'une question que le traité d'Aix-la-Chapelle, mettant un terme à la guerre de Succession d'Autriche, laissait en suspens. En effet, comme dans le cas du traité d'Utrecht, on a omis de fixer la frontière entre possessions françaises et possessions anglaises, mais contrairement à celui-ci, une des clauses prévoyait l'arbitrage pour résoudre les problèmes de frontière. Même après avoir convenu de restreindre leurs activités dans les zones contestées, les Français comme les Anglais ont déployé des efforts concertés pour revendiquer le plus de droits possibles sur la région (14). La tension montait à mesure que se militarisait l'isthme de Chignectou.

La multiplication des raids des Indiens, ajoutée à la présence de l'armée française en permanence autour de Beaubassin, incite le nouveau gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Edward Cornwallis, à ramener la question, depuis longtemps mise en veilleuse, d'un serment d'allégeance inconditionnel (15). Bien entendu, les Acadiens refusent, répliquant plutôt par leur contre-proposition habituelle de prêter un serment conditionnel garantissant leur neutralité. Cornwallis refuse de reconnaître les Conventions de 1730 et déclare aux Acadiens que leur prétendu serment conditionnel est illégal et nul (16). Beaucoup d'Acadiens, jusqu'à quatre mille peut-être, estiment ne pas avoir d'autre choix que d'abandonner leurs terres et, après avoir obtenu un passeport britannique, ils vont s'établir en territoire français (17).

Cornwallis est remplacé peu de temps après par le gouverneur Peregrin Hopson qui est plus doux de caractère et qui tente de s'entendre avec les Acadiens. Malheureusement, cette situation agréable ne dure pas parce que Charles Lawrence est bientôt nommé gouverneur de la Nouvelle-Écosse. Dès sa nomination, il commence à élaborer un plan pour régler les problèmes de frontière une fois pour toutes.

L'exil forcé des Acadiens fait partie du plan. Mais pour arriver à réussir cette première manoeuvre audacieuse, certaines mesures s'imposent. Le gouverneur Lawrence ordonne à ses soldats de s'emparer de l'isthme de Chignecton et c'est ainsi que débutent les horribles incidents de 1755. Carl A. Brasseaux décrit ainsi la stratégie

... Lawrence conspire avec le gouverneur William Shirley, commandant en chef des forces britanniques de la Nouvelle-Angleterre, [...] pour chasser tous les Acadiens de la côte de la baie de Fundy. Les conspirateurs prennent prétexte de fausses rumeurs qui circulaient à propos d'un raid imminent que les Français prévoyaient faire contre Fort Lawrence, un avant-poste anglais près de Beaubassin, pour masser des troupes britanniques en Nouvelle-Écosse. De plus, tandis que 1 800 soldats britanniques partent en bateau de la Nouvelle-Angleterre à destination de l'isthme de Chignecton à la fin du printemps de 1755, Lawrence contraint les Français neutres à remettre leurs armes. Enfin, en juin 1755, le gouverneur de la Nouvelle-Écosse ordonne l'assaut, couronné de succès, du Fort Beauséjour, une forteresse française qui domine les hauteurs autour de Beaubassin. Il protège ainsi la région contre les incursions des Canadiens français et empêche les réfugiés acadiens - qui pourraient devenir des soldats français - à atteindre le Québec (18).

Lorsque des Acadiens de souche sont fait prisonniers à l'intérieur du Fort Beauséjour, Lawrence ramène à son tour la question du serment et s'en sert comme prétexte pour ordonner la déportation. Le gouverneur Lawrence commence par faire appréhender les représentants des Acadiens locaux qui ont refusé de prêter un serment d'allégeance inconditionnelle au nom de leurs mandants. Comme il n'arrive pas à les forcer à rompre leur neutralité, il donne instruction au conseil colonial d'ordonner la déportation des Acadiens. Brasseaux poursuit ainsi

Polir que l'expulsion se fasse le plus rapidement et le moins cher possible, Lawrence trouve un moyen d'amener les Acadiens à se soumettre pacifiquement à la déportation. [...] Charles Lawrence donne instruction aux commandants anglais de Beaubassin, Pisquid et Annapolis-Royal d'attirer les Acadiens de l'endroit dans leur poste. Là, ne se doutant de rien, les victimes seront arrêtées et détenues jusqu'à l'arrivée des moyens de transport qui les mèneront en exil. Les hommes ainsi détenus en otage, les femmes et les enfants vont assurément rester chez eux pour s'occuper de leurs biens et des animaux, ce qui accélérera leur expulsion de la colonie. Enfin, tous les biens des Acadiens seront confisqués pour rembourser au gouvernement anglais les frais d'expulsion, tandis que leurs maisons et leurs bateaux seraient détruits (19).

Ainsi fut fait et les Acadiens furent entassés dans les cales sombres, froides et humides de navires britanniques qui, pour la plupart furent forcés d'embarquer plus de passagers qu'ils ne pouvaient raisonnablement en transporter (20). Bientôt, les fiers Acadiens allaient être bannis de leur chère Acadie.

IV. Pourquoi la Grande-Bretagne devrait se soumettre à l'arbitrage

Le gouvernement britannique a fait de son mieux pour minimiser l'importance de la pétition de Me Perrin. Il est vrai que pour beaucoup de monde, la pétition peut paraître absurde. La déportation a eu lieu il y a 246 ans! Tous les survivants ayant subi des dommages sont morts aujourd'hui. Mais cette pétition représente le grief collectif de la douzième génération d'un peuple depuis l'incident. En outre, comme personne n'est moralement coupable, on ne peut accuser personne de ces crimes. Seules les institutions coupables subsistent aujourd'hui. Mais quand on fait un tour d'horizon complet, il est évident que le temps à lui seul n'arrive pas toujours à cicatriser les vieilles blessures faites par des atrocités anciennes.

A. Le phénomène de la souillure

De la Bosnie à Chypre, à Israël, au Tibet, au Timor oriental, des griefs ayant pris naissance il y a longtemps déjà continuent de hanter la politique du monde moderne. Quasi littéralement, les maux commis jadis ont créé des failles dans la morale universelle. Ce sentiment d'incomplétude, cette guérison incomplète, trouble l'esprit et tourmente l'âme. Ce phénomène persistant de la souillure a été décrit par Christopher L. Blakesley :

Dans presque toutes les cultures anciennes, la métaphysique et le droit ne faisaient qu'un; la cellule sociale se sentait obligée de se purger de ce qui menaçait d'être détruit par la colère de Dieu ou des dieux. On croyait que si la collectivité entière était souillée par un crime qu'avait commis l'un de ses membres ou un étranger contre elle, il fallait effacer cette souillure pour restaurer l'intégrité de la collectivité. Le fautif était châtié par une mesure purificatoire ou expiatoire, souvent conjuguée à une cérémonie religieuse (21) .

C'est cette souillure qui n'a pas encore été lavée. C'est cette tare dans l'histoire des deux peuples que Me Perrin cherche à effacer. Le peuple acadien porte en lui depuis deux siècles et demi l'humiliation de la déportation. Avant la diaspora, les Acadiens étaient en bonne voie de devenir une grande nation en soi, en réalisant une fusion parfaite tant de l'Ancien Monde et du Nouveau Monde que des institutions politiques et culturelles britanniques et françaises. Ils ont été fauchés, malheureusement, dans les plus beaux jours de leur évolution culturelle. Encore aujourd'hui, la culture acadienne s'efforce de retrouver le sentiment perdu de son expression nationale, ainsi que la dignité et le prestige que cela implique. De même, le bon peuple de la Grande-Bretagne est encore souillé du sang des Acadiens. Combler le vide laissé par les crimes de 1755, c'est une raison suffisante pour que le gouvernement britannique soumette les incidents de l'époque à un examen minutieux judiciaire ou quasi judiciaire. Me Perrin a exprimé cette idée dans une lettre datée du 1er février 1990 qu'il adressait au Procureur général de la Grande-Bretagne et dont un passage se lit comme suit : « La Grande-Bretagne a l'occasion de "réparer une injustice"; elle a une merveilleuse occasion de démontrer tangiblement sa bonne foi aux yeux du monde entier. Seule la GrandeBretagne peut "mettre fin à l'exil" ». Il faut aussi souligner que Me Perrin ne demande pas une réparation pécuniaire directe, seulement un mea culpa en bonne et due forme.

B. La prudence et la purification symbolique de l'histoire

Si le phénomène de la souillure ne suffit pas, il existe tout de même des raisons politiques concrètes de demander une enquête publique sur l'exil. Premièrement, il y a la honte qui va de pair avec la souillure laissée par des crimes contre l'humanité. Un acte haineux avilit aussi bien son auteur que la victime. Les deux, semble-t-il, en restent souillés : la victime par les humiliations subies et l'auteur par la culpabilité ressentie. Donc, les demandes de justice qui ne trouvent aucun écho engendrent du ressentiment chez les victimes. Au fil des années, cette rancoeur s'amplifie et crée un contexte propice à de futurs actes de cruauté. Lorsque cela se produit, la brutalité du tyran, si longtemps intériorisée et gravée dans la conscience collective du peuple tyrannisé, s'extériorise. Lorsque la victime reprend le dessus, le cycle de victimisation recommence dès que la soif de justice, mal canalisée jusque là, se déchaîne à cause des mécanismes symboliques de l'appareil judiciaire en une vengeance débridée qui, bien entendu, ne fait que semer le germe des futures révolutions du cycle de victimisation.

L'histoire regorge d'exemples de règnes de terreur qui succèdent à la « défaite » au « renversement » d'un tyran, anéantissant ainsi toute velléité de paix et de coopération. Le Levant, les Balkans et l'Afrique centrale sont toutes des régions du monde qui témoignent présentement de ce fait. II est donc judicieux de trouver la meilleure voie pour canaliser les énergies psychiques qui entraînent le cycle de la victimisation. En tournant définitivement la page sur de terribles incidents du passé, les gouvernements d'aujourd'hui assurent la paix de demain. À une époque où les terroristes ont à portée de la main des armes de destruction massive, détourner les énergies loin de la violence débridée pour l'aiguiller vers les rouages judiciaires, c'est une nécessité, non un luxe.

Bien que personne ne puisse qualifier la relation actuelle entre les Cajuns et les Britanniques de point chaud, il n'en demeure pas moins que bien des Acadiens sont incapables d'accepter les atrocités commises à l'endroit de leurs aïeuls. En désamorçant cette controverse mineure, la Grande-Bretagne n'en tirerait que des avantages, pour la communauté internationale et pour elle-même, si elle décidait de se plier à la coutume du règlement pacifique des différends. En outre, en se soumettant volontiers au regard scrutateur de la justice, elle ne ferait que montrer qu'elle forme une nation gagnée à la dignité humaine et à l'ordre international établi pour la préserver (22).

C. Préserver le caractère sacré de la primauté du droit

Deuxièmement, pour le bien de l'ordre juridique international et le principe de la primauté du droit qu'elle a constitutionnalisé, la Grande-Bretagne devrait se soumettre à une audition équitable de la pétition de Warren Perrin. Comme le fait remarquer Diane F. Orentlicher : « Renoncer totalement à faire respecter [les lois énonçant les droits fondamentaux] vicie l'autorité du droit même, minant son pouvoir d'empêcher tout comportement proscrit (23) ». Pour un pays qui se targue d'être le père du concept moderne de la primauté du droit, la Grande-Bretagne a tout intérêt à préserver le caractère sacré de la notion sur laquelle repose toute la liberté de l'être humain.

1. Pour le caractère sacré du droit britannique en général

On ne se trompe pas en disant que l'histoire donne au monde amplement de raisons de réfléchir à la brutalité des événements de 1755. S'il allait devant les tribunaux, Warren Perrin aurait une preuve suffisante pour éviter une fin de non-recevoir ou un jugement sommaire. Il y a au moins deux actes généraux apparemment illicites au regard de la Constitution britannique. Le premier c'est d'avoir, de mauvaise foi, incité les Acadiens, en 1747, à se fier à la parole du Roi qui disait avoir l'intention de les autoriser à rester sur leurs terres tant et aussi longtemps qu'ils demeureraient loyaux à Sa Majesté. Il faut souligner que ce même Roi George Il qui a autorisé le duc de Newcastle à assurer les Acadiens de sa bienveillance a présidé à leur déportation.

Sans les paroles rassurantes du Roi, il est fort probable que de nombreux Acadiens auraient quitté la colonie de leur propre chef, emmenant avec eux leurs biens meubles et le produit de la vente de leurs terres. Les familles seraient restées ensemble, elles auraient conservé leur richesse et l'intégrité de la collectivité n'aurait pas été attaquée aussi profondément. En outre, on aurait pu prendre des dispositions pour les vieillards et les faibles, minimisant ainsi les décès et maladies qui survinrent en grand nombre chez les Acadiens les plus faibles durant les déportations précipitées.

Certains soutiennent que les Acadiens avaient toutes les raisons de se fier à la parole solennelle de Sa Majesté britannique. La parole du Roi tient sa force de la notion ancestrale que le monarque est « Roi par la grâce de Dieu » . Les idées occidentales de la royauté trouvent leur origine dans les institutions franciques de l'époque carolingienne. Dès le IXe siècle, le concept germanique de Munt est fondu au concept romain de tutela pour produire le paradigme de la royauté chrétienne (24). Le roi était le tutor regni, le protecteur de ses sujets. Cette fonction tutoriale du roi était renforcée par l'onction sacramentelle.

Aucun autre jour ne comptait autant dans la vie d'un roi que le jour de son couronnement, ou plutôt celui où il était oint: par ce sacrement, il devenait sacré - le Christus Domini - une position que nul autre n'avait atteinte dans le rovaume... (25)

Dire que le monarque chrétien devrait tenir ses promesses, c'est une tautologie. Pourtant, l'histoire de la déportation des Acadiens montre un degré élevé de mauvaise foi de la part de la Couronne. Peu importe que ce soit le résultat d'une méprise de la part de la Couronne ou non. En 1760, les Acadiens ont présenté au nouveau Roi, qui venait d'être couronné, une pétition dans laquelle ils demandaient réparation, mais celui-ci demeura sourd à leurs prières. Cette attitude équivalait à un assentiment. Depuis lors, l'institution monarchique a chaque fois refusé d'entendre le peuple acadien.

Les Rois George II et George III, ainsi que l'actuelle Reine Élisabeth II, ont tous fait essentiellement à leur couronnement le même serment que voici :

L'Archevêque : Allez-vous faire en votre pouvoir qu'avec clémence soit appliqué le droit et soit rendue la justice dans tous vos jugements?

Le Roi/la Reine : Oui.

On pourrait faire valoir, peut-être même vigoureusement, qu'à l'époque de la déportation, la notion d'une royauté chrétienne relevant du droit contraignant (jus cogens) avait disparu et ne liait donc plus vraiment les monarques européens après les Lumières. La Réforme et la montée de l'absolutisme, pourrait-on dire, étaient des forces bien plus puissantes pour les esprits politiques et juridiques du dix-huitième siècle. Quoi qu'il en soit, Thomas Hobbes et Jean Calvin n'avaient pas détruit la chrétienté intrinsèque des concepts politiques et juridiques européens. D'ailleurs, les ouvrages de Hugo Grotius attestent que les concepts de droit naturel demeurent intéressants. C. G. Roelofsen résume ainsi la théorie fondamentale de Grotius sur le droit naturel :

La source de tout droit est le sens de la justice, inné chez tout être humain, qui correspond aux besoins de la société puisque, sans la confiance mutuelle qui unit les êtres, toute association quelle qu'elle soit serait impossible. De cette source jaillit les principes de la bonne foi et de la solidarité et c'est la bonne foi qui a la place d'honneur. Sans exagérer, on peut dire que De jure belli ac pacis exhorte sans relâche les hommes d'État responsables à observer le principe de bonne foi et, en conséquence, à remplir les obligations que leur imposent les promesses ou contrats de toute sorte. Pacta sunt servanda est un principe applicable même à l'endroit des parties ayant elles-mêmes usé de duperie, des non Chrétiens et des ennemis. Grotius, en insistant sur la bonne foi, appelle constamment au sens de la justice personnel des dirigeants. [...] C'était logique au dix-septième siècle [...] La parole du Roi était alors la meilleure garantie possible, encore que souvent, elle laissait malheureusement à désirer et que la méfiance compliquait sérieusement les rapports entre puissances catholiques et puissances protestantes. Comme Grotius a fait remarquer que la bonne foi reposait sur le droit naturel, pas sur des préceptes religieux, cela a grandement contribué à jeter un pont au-dessus de ce gouffre confessionnel [...] Sa position [...] s'est avérée acceptable aux deux camps religieux. (26)

Pendant près de deux cent quarante-cinq ans, la Couronne britannique a privé le peuple acadien du droit, de la justice et de la clémence. La seule apparence d'une telle mauvaise foi est un affront au caractère sacré de la Couronne et une souillure de la monarchie. La Reine le doit à Dieu et à son pays de demander à son gouvernement de soumettre l'affaire à une sorte d'enquête équitable.

Deuxièmement, il semble y avoir eu violation flagrante des principes de la Grande Charte. L'histoire a montré que le gouvernement militaire de la Nouvelle-Écosse a arrêté systématiquement tous les Acadiens, sans faire de distinction entre ceux impliqués dans des crimes précis et ceux qui étaient innocents. Ce même gouvernement britannique a ensuite emprisonné tous les hommes acadiens sur lesquels il a pu mettre la main, a interné leurs femmes et leurs enfants, et a fini par les expulser de leur mère patrie, confisquant par la même occasion la richesse accumulée pendant un siècle et demi, dans le but de dédommager le Roi de ses peines. Donc, sans le bénéfice des voies de droit régulières, des sujets britanniques ont été arrachés à leurs propriétés en franche tenure, injustement emprisonnés et privés, tant collectivement qu'individuellement, d'une audition juste et impartiale où ils auraient pu se défendre contre les allégations de sédition portées contre eux.

La Grande Charte est le noyau de la Constitution anglaise (27). Son article 1 se lit comme suit :

Nous avons aussi accordé à tous les hommes libres de Notre royaume, pour Nous et pour nos héritiers à perpétuité, toutes les libertés inscrites ci-dessous pour leur bénéfice et pour qu'ils les conservent pour eux et leurs héritiers, de Nous et de nos héritiers (28).

L'article 29 de la Grande Charte garantit l'application régulière de la loi :

Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé, ou exécuté de quelques manières que ce soit. Nous ne le condamnerons pas non plus, à l'emprisonnement sans un jugement légal de ses pairs conforme aux lois du pays. À personne Nous ne vendrons, refuserons ou retarderons, les droits à la justice (29).

Des historiens pro-Britanniques ont avancé dans le passé qu'un certain lord Belcher a donné la sanction judiciaire à la déportation sur la demande du gouverneur Lawrence. Toutefois, les documents pertinents sont truffés d'apparentes irrégularités. De plus, c'était un jugement collectif et non une décision individualisée digne d'une société prétendant souscrire à la primauté du droit. Il n'a jamais été permis aux Acadiens d'en appeler de la décision de lord Belcher. Voici ce qu'écrit Thomas C. Haliburton

Cela semble tout à fait inconciliable avec l'idée qu'on se fait de la justice de nos jours, à savoir que quiconque ne partage pas la culpabilité doit prendre part au châtiment, ou que toute une collectivité doit souffrir à cause de l'inconduite de quelques-uns de ses membres. À n'en pas douter, cela souille les conseils provinciaux et nous n'allons pas tenter de justifier ce que tous les hommes de bien ont convenu de condamner (30).

Les écrits de M. Haliburton sont confirmés par le droit même puisque l'article 14 de la Grande Charte énonce le principe de proportionnalité

Pour une offense mineure faite par un homme libre, l'amende imposée sera proportionnelle à la gravité de l'offense, et il en sera ainsi pour une offense plus grave, mais sans le priver de son gagne-pain. La marchandise d'lin marchand sera ainsi épargnée, et un agriculteur pourra garder ses accessoires agricoles, s'ils devenaient sujets à la merci de Notre cour. Aucunes des susdites amendes ne seront imposées sans le témoignage sous serment d'hommes honnêtes et justes du voisinage (31).

Peu importe la décision d'un tribunal juste et impartial, il conviendrait que des infractions apparemment aussi graves soient étudiées pour y apporter un terme judiciaire symbolique. La souillure qui ternit la monarchie et la Constitution anglaise noircit la réputation de toute la Grande-Bretagne. Si on arrive à la conclusion que les Anglais n'étaient pas justifiés d'agir de la sorte contre les Acadiens, alors au moins la population britannique aura l'occasion d'abattre le chêne de la culpabilité. Par contre, si l'on conclut que les Acadiens ont été déloyaux et séditieux comme certains l'ont prétendu, alors la Grande-Bretagne se sera exonérée elle-même aux yeux de la communauté internationale. Pourtant, la résistance farouche qu'oppose le gouvernement britannique à cette requête ne laisse pas d'étonner. On se demande s'il ne croit pas avoir quelque chose à cacher.

2. Éviter d'être considéré comme un paria par la communauté internationale

Il se pourrait aussi que la Grande-Bretagne ait un motif juridique actuel de refuser de se soumettre à un examen. Le génocide et la purification ethnique sont des crimes de droit contraignant (jus cogens). D'ailleurs, la Grande-Bretagne et ses alliés de l'OTAN ont fait la guerre récemment au régime de Milosevic en Serbie afin d'y faire cesser l'apparent nettoyage ethnique des Albanais du Kosovo. Toutes les nations du monde sont unanimement dégoûtées, en paroles du moins, par ces pires crimes contre l'humanité. La Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (9 décembre 1949) énumère à son Article III les crimes qui sont punissables sous le régime de la Convention. Le génocide en fait partie (32).

La complicité n'y est pas définie. La plupart des États du monde en ont chacun leur interprétation personnelle. Il ne faudrait pas oublier, toutefois, que le régime de droit international est un système de droit civil, conceptuellement et méthodologiquement parlant. En droit civil, les mots doivent avoir leur sens courant. Cela signifie que le terme « complicité » dit ce qu'il veut dire. Chaque fois que quiconque, personne ou gouvernement, consent à ne pas appliquer les dispositions interdisant un acte génocide ou persiste à ne pas le faire, il se place en situation de complicité après le fait.

L'Article II de la Convention contre le génocide énonce la définition de génocide en droit :

Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel (a) Meurtre de membres du groupe; (b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; (c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; (d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; (e) Transfert forcé d'enfants du groupe, à un autre groupe. (33)

Les alinéas (b), (c) et (e) semblent viser les actes commis par le gouvernement britannique en 1755 et par la suite. L'arrestation systématique de tous les hommes adultes, après confiscation de toutes les armes à feu - laissant femmes et enfants sans défense, à la merci physique et psychologique de l'armée britannique - semble être une forme grave de préjudice moral, d'autant plus qu'elle avait comme finalité l'exil forcé. La déportation elle-même était censée disperser les Acadiens dans les diverses possessions de l'Empire britannique dans l'espoir qu'ils soient assimilés de force par la société anglo-protestante. Carl A. Brasseaux décrit la situation ainsi :

En respectant scrupuleusement les « conventions de 1730 », les Acadiens ont fait échouer, en 1750, les efforts concertés des Britanniques qui voulaient saper leur semi-autonomie politique en les intégrant à la nation britannique, un geste qui, selon de nombreux observateurs et dirigeants coloniaux du dix-huitième siècle, aurait constitué la première étape vers leur assimilation par la majorité anglo protestante. Donc, même si leur lutte contre l'administration coloniale était placée sur le plan politique, les Français neutres se battaient en réalité polir préserver leur mode de vie ... (34)

L'alinéa (e) semblerait mis en cause du fait que les gouvernements des colonies britanniques sur l'Atlantique aient tenté, après la déportation, d'obliger les parents réfugiés à placer leurs enfants comme apprentis. Voici le récit que fait Brasseaux de cet événement :

En janvier 1757, l'assemblée a adopté un projet de loi, entré en vigueur le 18 janvier, obligeant les parents acadiens à placer leurs enfants comme apprentis chez des artisans anglo-américains afin d'obtenir leur appui. Ces enfants devaient être éduqués en anglais.

Les Acadiens ont vivement contesté cette mesure oppressive visant à détruire leurs familles et à faire assimiler de force leurs enfants par la culture dominante. (35)

Quant à l'obligation de mens rea prévue dans la Convention contre le génocide, c'est un aspect qui déborde le champ de notre étude. Notre seul but est de démontrer que de tels actes, du moins de prime abord, ont bel et bien été exécutés, à en juger d'après les documents historiques. À mon avis, il reviendrait à une enquête publique d'approfondir la question de l'intention réelle de ceux qui ont présidé à la déportation.

Tenir la Grande-Bretagne responsable du génocide qui a pu avoir lieu pose un problème patent. Le génocide, du moins en tant que crime nommé, est un produit du vingtième siècle. Voilà qui complique sérieusement tout problème de rétroactivité. Bien entendu, on pourrait faire valoir que, dans la mesure où le crime de génocide repose sur les principes du droit naturel, il a toujours existé en droit, et donc qu'il n'y a pas vraiment de problème de rétroactivité. Quoi qu'il en soit, la responsabilité de la Grande-Bretagne pourrait bien être beaucoup plus simple à confirmer. Mais en refusant, pour une raison ou pour une autre, de faire face à la situation publiquement, la Grande-Bretagne enfreint l'Article III (e) de la Convention contre le génocide, puisqu'elle tolère les brutalités passées.

Mais si la Grande-Bretagne n'a pas violé la lettre de la Convention même, elle en a certainement enfreint l'esprit. Une telle violation de l'esprit de la Convention et des objets d'un traité auquel on est partie constitue en soi une violation du droit international. La Convention de Vienne sur le droit des traités (22 mai 1969) prévoit à son article 18 :

Un État doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but: a) lorsqu'il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou b) lorsqu'il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée. (36)

Ce n'est pas le genre de stigmates que le peuple britannique aimerait porter. Par conséquent, la Grande-Bretagne devrait s'éviter la honte qu'apporte le fait de tolérer un génocide, réel ou présumé, en acceptant de soumettre les incidents des années 1750 à une enquête impartiale comme le demande Warren Perrin.

V. CONCLUSION

Warren Perrin mène depuis sept ans une croisade solitaire pour convaincre le gouvernement britannique de soumettre à une enquête impartiale la déportation des Acadiens de la Nouvelle-Écosse en 1755, afin d'obtenir réponse à sa requête en cinq points. Il fait écho aux cris qui réclamaient justice au Roi de Grande-Bretagne en 1760 et auxquelles la Couronne est restée sourde. Le gouvernement britannique a plusieurs raisons d'autoriser la tenue d'une enquête publique. Le sentiment de souillure qui accompagne les crimes contre l'humanité persiste et s'amplifie avec le temps. En l'occurrence, l'animosité entre les descendants des exilés acadiens et la population britannique n'est pas telle qu'elle pourrait avoir un effet déstabilisateur dans le monde. Mais en soumettant cette légère controverse à un examen impartial, la Grande-Bretagne ferait un beau coup symbolique en faveur de la primauté du droit. L'histoire a montré maintes fois que certains des idéaux les plus chers à la Grande-Bretagne ont été ternis par la déportation des Acadiens. Le pire, c'est que la valeur de la parole du monarque a été remise en question par la mauvaise foi démontrée à cette époque. De plus, l'esprit du droit international contemporain sinon sa lettre commande que la Grande-Bretagne agisse de façon à se distancier des atrocités commises dans le passé, en lavant son histoire dans les eaux de la justice. Le gouvernement et la Reine le doivent à leur peuple, au monde entier et surtout à tous les Acadiens, de mettre fin à l'exil.

BIBLIOGRAPHIE

SOURCES

Acadia and Nova Scotia: Documents Relating to the Acadian French and the First British Colonization of the Province, 1714-1758, Thomas B. Arkins, dir., Polyanthos, Cottonport, 1972, p. 135.

Sources of English Legal and Constitutional History, Michael Evans et R. Ian Jack, dir., Butterworths, Sydney, 1984, vol. 1.

Documentary Supplement to Cases and Materials on the International Legal System, Foundation Press, Westbury, New York, 1995.

OUVRAGES SAVANTS

LeBlanc, Dudley J., The Acadian Miracle, Evangeline Publishing Co., Lafayette, 1966, p. 81.

Blakesley, Christopher L., Terrorisrn, Drugs, International Law and the Protection of Liberty, 1992, p. 1822, 177-179.

Brasseaux, Carl A., The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803.

Brasseaux, Carl. A., Scattered to the Wind: Dispersals and Wanderings of the Acadians, 1755-1809, University of Southwestern Louisiana, Lafayette, 1991.

Doughty, Arthur G., The Acadian Exiles: A Chronicle of the Land of Evangeline, Glasgow, Brooks & Co., Toronto, 1922.

Haliburton, Thomas C., History of Nova Scotia, Mika Publishing, Belleville, Ontario, 1973

Ullmann, Walter, Law and Politics in the Middle Ages: An Introduction to the Sources of Medieval Political Ideas, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1975.

ARTICLES SAVANTS

Baudouin, Richard, « Vengeance pour la déportation des Acadiens », Louisiana Life, Printemps 1995, p. 57.

Orentlicher, Diane F., « Settling Accounts: The Duty to Prosecute Human Rights Violations of a Prior Regime », 100 Yale L.J. p. 2537, 2541.

Roelofsen, C. G., « Grotius and International Law: An Introduction to Some Themes in the Field of the Groatian Studies » , The Grotius Reader, Interuniversitair Instituut voor International Recht, La Haye, 1983, p. 17-18.

(1) Dans sa pétition présentée à la Reine et au gouvernement britannique, Warren Perrin cite l'ouvrage du révérend Brebner, New England Outpost : « Dans l'ensemble, les Anglais de la Nouvelle-Écosse avait depuis 1658 l'idée, exprimée ou latente, de tous les expulser ». Rappelons-nous que les Britanniques et les Français avaient perdu et regagné l'Acadie à tour de rôle, jusqu'à la signature du traité d'Utrecht en 1713. De 1654 à 1670, les Britanniques avaient établi une petite garnison à Port-Royal, autrefois capitale de l'Acadie.

(2) Bien entendu, les Acadiens qui ont échappé à la déportation se souviennent encore de cette terrible période, puisque le sectarisme et la discrimination pratiqués par la majorité anglo-protestante a constamment rafraîchi la mémoire de ceux qui sont restés dans les provinces maritimes du Canada.

(3) Le mot « cajun » serait une déformation du mot français « acadien » qui, aux oreilles des Américains, ressemblait à « a Cajun ».

(4) Propos de Helen Mann, « Vengeance pour la déportation des Acadiens », de Richard Baudouin, Louisiana Life, Printemps 1995, p. 57.

(5) Ibid., p. 5.

(6) Me Perrin fonde son raisonnement sur le principe du respondeat superior. Il affirme que le gouverneur Charles Lawrence ayant posé ces gestes à titre de serviteur de la Couronne britannique dans l'exercice de ses fonctions officielles, la Couronne est responsable des atteintes qu'il a pu faire à des droits fondamentaux ou reconnus en common law. Il réplique à cette prétention britannique que la Reine Élisabeth étant monarque à la fois de la Grande-Bretagne et du Canada, peu importe celui des deux pays auquel la responsabilité incombe. L'important, c'est que la Couronne admette les atrocités commises en 1755.

(7) Du moins, sur les faits objectifs, car les historiens des deux bords ne sont toujours pas d'accord sur l'éclairage sous lequel il faut les présenter.

(8) C'est très étrange. On pourrait dire que nombre des Acadiens qui ont émigré au Québec étaient incontestablement victimes de leur propre « idéologie » . La majorité de la population acadienne qui est restée et qui a accordé son allégeance à la Grande-Bretagne semble avoir préféré vivre sous l'autorité britannique. La lettre envoyée par les habitants probritanniques de Mines, Rivière Canard et Piziquid au capitaine De Ganne des forces françaises dépêchées par le gouverneur Du Quenel pour « libérer » PortRoyal, le montre de façon imagée

Nous les soussignés (...] vous supplions d'avoir l'heur de considérer que, même si vous n'auriez aucun mal, en vertu de la grande force que vous commandez, à vous servir vous-même la quantité de grain et de viande que M. Du Vivier [le commandant acadien de l'armée de Québec] et vous avez commandée, il nous serait tout à fait impossible de vous fournir la quantité demandée ou même une quantité moindre, puisque la récolte n'a pas été aussi bonne que nous l'avions escompté, sans nous placer en grand péril.

Nous espérons, Messieurs, que vous n'allez pas nous plonger, nos familles et nous-mêmes, dans le dénuement complet et que cette considération vous amènera à retirer vos sauvages et vos troupes de nos districts.

Nous vivons sous un gouvernement bon et paisible et nous avons toute raison de lui être loyal. Nous espérons donc que vous aurez la bonté de ne pas nous en séparer et que vous nous accorderez la faveur de ne pas nous plonger dans la misère la plus abjecte. [Acadia and Nova Scotia: Documents Relating to the Acadian French and the First British Colonization of the Province, 1714-1758, Thomas B. Arkins, dir., Polyanthos, Cottonport, 1972, p. 135]

(9) LeBlanc, Dudley J., The Acadian Miracle, Evangeline Publishing Co., Lafayette, 1966, p. 81.

(10) Brasseaux, Carl A., The Founding of Neiv Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803, p. 17.

(11) LeBlanc, Dudley J., The Acadian Miracle, Evangeline Publishing Co., Lafayette, 1966, p. 90.

(12) LeBlanc, Dudley J., The Acadian Miracle, Evangeline Publishing Co., Lafayette, 1966, p. 91; Lauvrière, Émile, La Tragédie d'un peuple : Histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours, Paris, 1924, vol. 1, p. 307-311.

(13) Brasseaux, Carl A., The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803, p. 18.

(14) Doughty, Arthur G., The Acadian Exiles: A Chronicle of the Land of Evangeline, Glasgow, Brooks & Co., Toronto, 1922, p. 71.

(15) Brasseaux, Carl A., The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803, p. 17.

(16) Acadia and Nova Scotia: Documents Relating to the Acadian French and the First British Colonization of the Province, 1714-1758, Thomas B. Arkins, dir., Polyanthos, Cottonport, 1972, p. 174.

(17) Précité, note 15, p. 17.

(18) Brasseaux, Carl A., The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803, p. 23.

(19) Brasseaux, Carl. A., Scattered to the Wind: Dispersals and Wanderings of the Acadians, 17551809, University of Southwestern Louisiana, Lafayette, 1991, p. 6.

(20) Ibid., p. 5.

(21) Christopher L. Blakesley, Terrorism, Drugs, International Law and the Protection of Liberty, p. 18-22, 177-179, 1992.

(22) Après tout, il n'est pas certain qu'un tribunal impartial déclarerait la Grande-Bretagne coupable. Une telle enquête pourrait bien disculper les Anglais aux yeux de l'histoire. Cependant, quelle que soit la conclusion, on ferait son deuil de l'incident et on réparerait enfin l'accroc au tissu de la morale universelle.

(23) Diane F. Orentlicher, « Settling Accounts: The Duty to Prosecute Human Rights Violations of a Prior Regime », 100 Yale L.J. p. 2537, 2541.

(24) Ullmann, Walter, Law and Politics in the Middle Ages: An Introduction to the Sources of Medieval Political Ideas, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1975, p. 205-208.

(25) Ibid., p. 209.

(26) Roelofsen, C. G., « Grotius and International Law: An Introduction to Some Themes in the Field of the Groatian Studies », The Grotius Reader, Interuniversitair Instituut voor International Recht, La Haye, 1983, p. 17-18.

(27) Lorsqu'on parle de la Grande Charte ou Magna Carta, on pense tout de suite au document signé à Runnymede. Or, bien que la charte de 1215 ait été l'amorce intellectuelle du futur constitutionnalisme britannique, c'est la Grande Charte de 1297 qui se retrouve dans la Constitution. En 1297, le Roi Édouard I a proclamé promulgué cette confirmatio cartarum ou confirmation de la charte qui est toujours en vigueur. Voir Sources of English Legal and Constitutional History, Michael Evans et R. Ian Jack, dir., Butterworths, Sydney, 1984, p. 50.

(28) Sources of English Legal and Constitutional History, Michael Evans et R. lan Jack, dir., Butterworths, Sydney, 1984, p. 51 (version française : http://home.worldnet.fr/~larane/MagnaCarta2.htm# 1297).

(29) Ibid., p. 54 (version française : http://home.worldnet.fr/~larane/MagnaCarta2.htm# 1297).

(30) Haliburton, Thomas C., History of Nova Scotia, Mika Publishing, Belleville, Ontario, 1973, vol. I, p. 196-197. Il faut rendre à M. Haliburton la justice qu'à la suite de ces propos il rappelle objectivement que si les Acadiens avaient été autorisés tout simplement à partir, ils auraient rejoint les forces de la France.

(31) Sources of English Legal and Constitaitional History, Michael Evans et R. Ian Jack, dir., Butterworths, Sydney, 1984, p. 53 (version française : http://home.worldnet.fr/~larane/MagnaCarta2.htm# 1297).

(32) Article III (e), 78 U.N.T.S. 277; Documentary Supplement to Cases and Materials on the International Legal System, Foundation Press, Westbury, New York, 1995, p. 79.

(33) Article II, 78 U.N.T.S. 277; Documentary Supplement to Cases and Materials on the International Legal System, Foundation Press, Westbury, New York, 1995, p. 78.

(34) Brasseaux, Carl A., The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1760-1803, p. 21.

(35) Brasseaux, Carl. A., Scattered to the Wind: Dispersals and Wanderings of the Acadians, 17551809, University of Southwestem Louisiana, Lafayette, 1991, p. 21.

(36) Article 18, La Convention de Vienne sur le droit des traités, U.N.Doc. A/CONF. 39/27, p. 289; Documentary Supplement to Cases and Materials on the International Legal System, Foundation Press, Westbury, New York, 1995, p. 287-288. (Pour la version française : http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_111 /index.html)

.