NOUS, ACADIENS ET ACADIENNES, SOMMES LES SURVIVANTS D'UN GÉNOCIDE. Un génocide se définit comme étant " la destruction systématique d'un peuple ou d'un groupe ethnique "; cette définition reflète tout à fait les événements de 1755, car l'intention des Britanniques à l'époque était bel et bien de détruire un peuple et sa culture. Les Acadiens et les Acadiennes ont été chassé.e.s, dépossédé.e.s, affamé.e.s et tué.e.s ; leurs récoltes et leurs maisons ont été brûlées et leur bétail volé ou tué. De plus, pour s'assurer de la disparition des Acadiens et Acadiennes en tant que peuple, les Britanniques ont pris soin de les répartir systématiquement en petits groupes pour les forcer à se disperser dans les treize colonies anglo-américaines, tout en leur refusant le droit de se déplacer. Ils faisaient ainsi éclater une société basée sur la famille et forçaient l'assimilation des Acadiens et des Acadiennes aux anglophones des autres colonies britanniques du continent. À la lumière de tous ces faits, il est clair que les autorités britanniques ont été les responsables d'un génocide.


------La moitié de notre peuple a perdu la vie en raison des conséquences directes ou indirectes de cet exil imposé par les Britanniques. Ainsi, sur une population estimée entre 15 000 à 18 000 personnes, - 7 500 à 9 000 individus - en majorité les plus faibles, des enfants - ont perdu la vie. Divers facteurs expliquent ce taux élevé de décès : l'entassement des gens sur les navires (où la nourriture et l'eau étaient insuffisantes), les épidémies causées par l'insalubrité des conditions de voyage, le meurtre de sang froid de nombreux Acadiens et Acadiennes, ainsi que l'ordre donné par Lawrence 1 d'affamer les Acadiens et les Acadiennes caché.e.s dans les bois. La perte de nos ancêtres a donc été immense : on les a dépossédés de leurs terres fertiles, de leurs biens, de leurs possessions et ils ont dû subir l'éclatement de leur société, la désintégration de leur culture, ainsi que des pertes énormes en vies humaines. Les Britanniques se sont servis d'un terme banal en nommant ce crime " déportation ". Nous avons été complices de cette distorsion des faits en utilisant nos propres expressions dans le but d'atténuer notre tragédie, c'est-à-dire en utilisant le qualificatif de " Grand Dérangement ".

------De leur côté, les vainqueurs tentent de redéfinir leur propre histoire dans le but de se justifier auprès des nouvelles générations. Ils essaient également de nous contraindre, nous, les descendants des victimes, à accepter cette réécriture de l'histoire en menaçant des plus grandes sanctions ceux qui oseraient dire la vérité. 2 Cette menace de sanctions a été suffisante pour générer, au sein de notre peuple, un silence qui dure depuis plus de 250 ans. Jusqu'à ce jour, les écoles n'offrent qu'un récit très limité de notre histoire, et ce, par " respect " envers le peuple vainqueur. Ainsi, nous ne parlons pas de l'horreur d'un " génocide ", mais bien de " déportation ". Les livres les plus audacieux qualifient l'événement de " nettoyage ethnique ".

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1 "Si les moyens de douceur ne réussissent pas, vous aurez recours aux mesures les plus énergiques pour les embarquer et pour enlever à ceux qui prendront la fuite, toute possibilité de se mettre à l'abri, en brûlant leurs maisons et en détruisant dans le pays tout ce qui pourrait leur servir de subsistance (…)" Lettre de Lawrence à Winslow, août 1755.

2 Pour ne donner qu'un exemple parmi plusieurs autres, citons la campagne de refrancisation lancée à Moncton en 1934 par certains membres de l'Assomption. Ces derniers avaient écrit des lettres incitant la population acadienne à demander des services en français dans les magasins. En réponse, les anglophones de Moncton ont immédiatement commencé à boycotter les commerce appartenant à des Acadiens. Devant cet état des choses, les Acadiens ont abandonné la lutte.